Me débrouiller toute seule. À soixante-treize ans, avec de l’arthrite aux deux genoux, une ligne de bus supprimée depuis des années et une fierté déjà bien amochée.
Ce soir-là, j’ai mangé deux crackers avec de l’eau chaude. Je me suis dit que ça irait. Mais non.
La soupe populaire
Le lendemain matin, j’ai marché — lentement, en boitant — jusqu’à la soupe populaire de la rue Keller.
La salle était pleine : des mères épuisées, des hommes en vestes déchirées, des oubliés, des invisibles. Je me suis assise au fond, les joues en feu de honte.
Un homme qui sentait légèrement la fumée et l’huile moteur a fait glisser vers moi la moitié de son sandwich.
« Pas de honte ici, dit-il. On a tous nos histoires. »
Il s’appelait Marvin. Autrefois mécanicien. Le dos a lâché, les factures se sont empilées, la vie s’est défait.
Il m’a raconté qu’un groupe l’avait aidé. Un club de motards appelé The Guardians.
Je croyais qu’il plaisantait.
L’arrivée des Guardians
Avançons jusqu’à ce trottoir devant la pharmacie. Mes lacets défaits. Mon corps fatigué. Et ce motard en gilet de cuir, à genoux pour m’aider.
Quand il a terminé, il m’a proposé de me déposer. « On va quelque part de spécial. »
J’ai hésité, il a ri. « Ne vous inquiétez pas. On a un side-car. »
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